Actuellement en dixième année de médecine, Hippolyte Maurel poursuit son internat en psychiatrie. Dans son ouvrage intitulé Comment ça va aujourd’hui (éd. Jouvence), écrit en collaboration avec une sophrologue, le futur psychiatre dévoile une spécialité profondément humaine, axée sur l’écoute des patients et loin des stéréotypes qui l’entourent.
La psychiatrie, c’était une évidence quand vous avez commencé vos études de médecine ?
En réalité, pas du tout ! Mon premier choix était la chirurgie plastique, mais un stage m’a fait comprendre que ce n’était pas fait pour moi. C’est plus tard que j’ai découvert la psychiatrie. J’ai été surpris de constater à quel point cette spécialité était enrichissante et loin des clichés habituels. En médecine, on parle souvent du patient « coup de cœur », celui qui nous pousse à choisir telle ou telle voie. Pour moi, ce fut une femme, ordinaire, sans antécédents psychiatriques mais en grande détresse psychique. J’ai particulièrement apprécié cet aspect de la psychiatrie : soulager la souffrance psychique, qu’elle soit liée à une maladie comme la schizophrénie ou la bipolarité, ou à des difficultés telles qu’une rupture amoureuse. C’est quelque chose qui peut toucher chacun d’entre nous.
Vous parlez des clichés qui entourent la psychiatrie. Quels sont-ils ?
Les idées reçues sont nombreuses et j’avoue les avoir partagées avant mon premier stage. On pense souvent que la psychiatrie concerne les « fous », que consulter signifie être faible ou incapable de se débrouiller seul, que les antidépresseurs sont à prendre à vie… Il y a clairement une méconnaissance de la réalité de la psychiatrie. C’est une discipline moderne mais l’imaginaire collectif est resté figé dans les années 1960. À cette époque, on parlait encore d’asiles et de camisoles de force, ce qui suscitait la peur. Aujourd’hui, la réalité est bien différente, mais les images d’antan persistent et le cinéma joue parfois avec, alimentant ainsi les peurs et les clichés.
Et donc, la psychiatrie à l’hôpital, c’est comment aujourd’hui ?
Depuis quatre ans, je travaille à temps plein à l’hôpital en tant qu’interne. Les services de psychiatrie ressemblent globalement à n’importe quelle autre unité, à l’exception des unités dites « fermées » où les patients sont hospitalisés sous contrainte. Cette mesure vise souvent à les protéger, notamment lors de périodes de crise ou de phase aiguë de leur maladie. Ces unités sont peut-être celles qui se rapprochent le plus des clichés, mais même là, la réalité est bien différente. Personnellement, je n’ai jamais vu de camisole de force.
Votre livre s’intitule « Comment ça va aujourd’hui ? ». Que cherchez-vous à savoir quand vous posez cette question ?
Bien sûr, lorsque nous posons cette question, nous savons déjà que le patient consulte en raison d’un mal-être. Cependant, en posant cette question, notre objectif est de créer une alliance thérapeutique, de favoriser le dialogue pour que le patient se sente en confiance et que nous puissions travailler ensemble sur les problèmes qu’il rencontre dans sa vie. La confiance et la relation sont des éléments essentiels en psychiatrie. Ce qui m’a surpris, c’est que contrairement à mes autres stages où l’on me pressait lors des consultations, en psychiatrie, il est important de prendre le temps d’écouter le patient, de verbaliser sans ressentir cette pression temporelle, ce qui m’a beaucoup plu.
Vous cosignez le livre avec une sophrologue. C’est un duo inattendu…
De nos jours, de nombreuses approches existent en santé mentale. Les patients peuvent parfois éprouver des réticences à consulter un psychologue ou un psychiatre et préfèrent se tourner vers des praticiens proposant des médecines alternatives. Bien que nous ne travaillions pas directement ensemble, cela n’est pas incompatible. L’essentiel est que le patient soit pris en charge de manière adéquate et qu’il soit réorienté vers un médecin si nécessaire. Cependant, je remarque que certains patients hésitent à me confier qu’ils consultent parallèlement un praticien en médecine alternative. C’est dommage, car à mes yeux, il est important d’en être informé pour mieux les accompagner.
Peut-être ont-ils peur d’être jugés ?
C’est là que la relation thérapeutique entre en jeu. En tant que thérapeute, il est de notre responsabilité de veiller à ce que le patient se sente bien et compris. Il est donc crucial de travailler en collaboration avec lui pour qu’il puisse réellement se confier. Chaque patient est unique, et établir une relation thérapeutique demande une approche personnalisée. Certains patients peuvent ressentir de la culpabilité s’ils estiment ne pas progresser car ils ne se sentent pas écoutés. Il est important qu’ils expriment ce ressenti mais aussi qu’ils acceptent que dans le domaine des soins psychiatriques, la guérison prend du temps et s’inscrit dans la durée. Il n’existe pas de solution miracle contre les souffrances psychiques.
Avant votre livre, vous aviez déjà entrepris de dépoussiérer la psychiatrie avec votre compte Instagram, @psyandcoffee. Comment vous est venue l’idée ?
Lorsque j’ai débuté mon internat il y a quatre ans, j’avais un compte personnel où je partageais des aspects de ma vie. En parlant de mon travail à mes proches, ces derniers ont trouvé cela intéressant car cela brisait les stéréotypes qu’ils avaient sur la psychiatrie. J’ai alors décidé de partager davantage mon travail sur Instagram pour faire connaître la psychiatrie et les maladies psychiatriques. J’ai réalisé que cela suscitait l’intérêt des gens qui sont plus curieux que méfiants. Aujourd’hui, sur Psyandcoffee, je parle de santé mentale de manière décomplexée tout en continuant à évoquer mon internat. En France, nous accusons un certain retard sur ces sujets par rapport à d’autres pays.
Auxquels pensez-vous par exemple ?
Lors de mon séjour au Canada en 2019, j’ai été surpris d’entendre des publicités à la radio qui mettaient en avant la santé mentale. J’ai trouvé cela très intéressant ! En ce qui concerne la problématique des addictions, qu’il s’agisse de drogues ou d’alcool, les États-Unis sont en avance. Les personnes sont fières d’afficher leur pin’s « 1 an d’abstinence », « 2 ans d’abstinence »… En France, nous n’imaginons pas encore ce genre d’initiatives. Cependant, les choses évoluent, de plus en plus de professionnels de la santé mentale ont un compte Instagram où ils abordent ces questions. C’est positif, car cela permet de diffuser des informations et de libérer la parole autour des problématiques de santé mentale.
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