[Première consultation] À 38 ans, Marianne n’a vécu qu’une seule relation amoureuse sérieuse qui a mal tourné. Elle se questionne sur son incapacité à être en couple et se demande si les difficultés qu’elle rencontre dans sa vie amoureuse pourraient être liées à l’héritage émotionnel transmis par sa mère.
Robert Neuburger : Bonjour Marianne, pourquoi êtes-vous venue me voir aujourd’hui ?
Marianne : Je me demande si le fait de ne pas avoir de vie amoureuse ni d’enfant est lié à la manière dont ma mère m’a élevée. C’est une question qui me préoccupe depuis un certain temps…
Robert Neuburger : Avez-vous toujours été célibataire ?
Marianne : Non, j’ai eu plusieurs relations, mais à l’âge de 28 ans, j’ai vécu une relation de cinq ans qui s’est mal terminée. C’était la seule fois où j’ai vécu en couple, et cela a fini de manière très difficile. Cet homme a progressivement exercé un contrôle sur moi, jusqu’à devenir verbalement et physiquement violent. Cela peut arriver même à des personnes équilibrées. On peut se perdre en voulant plaire à son partenaire tout en manquant de confiance en soi. Depuis cette expérience, j’ai beaucoup appris, mais je sens que je me sabote souvent en m’engageant dans des relations qui ne mèneront nulle part, même si je le sais dès le départ.
Robert Neuburger : Comment cet homme exerçait-il son emprise sur vous ?
Marianne : Nous vivions chez lui car il était propriétaire. Dès que je suis devenue dépendante de lui, il est devenu de plus en plus dominant. Je n’avais pas mon mot à dire sur la décoration de la maison, les sorties, les vacances… J’étais complètement sous son contrôle.
Robert Neuburger : A-t-il tenté de vous pousser sexuellement là où vous ne vouliez pas aller ?
Marianne : Non, il y avait une limite. Je n’aurais pas accepté cela.
Robert Neuburger : Quel a été le déclic pour vous ?
Marianne : Les insultes, les violences physiques et le risque d’hospitalisation si je persistais à refuser de manger. Mais le moment décisif a été la découverte de vidéos de ses relations sexuelles avec d’autres femmes pendant notre relation. C’est là que j’ai réalisé à quel point il était malsain. J’ai décidé de partir du jour au lendemain, malgré ses tentatives de récupération entre extrême gentillesse et violence.
Robert Neuburger : Vous n’en avez parlé à personne ?
Marianne : Non, j’avais honte. Mais j’ai surmonté cette épreuve. Cela m’a amené à réfléchir à la relation entre cet homme et ma mère. J’aimerais avoir votre avis à ce sujet. Ma mère a toujours eu peur de tout, du jugement des autres. Elle ne s’est jamais vraiment aimée et m’a souvent dit qu’elle n’avait pas appris à aimer à cause de son éducation.
Robert Neuburger : Comment vont vos parents ?
Marianne : Pas très bien. Ma mère est hospitalisée depuis un an pour dépression. Mon père est constamment en larmes, leur relation est toxique car ma mère le tyrannise en lui donnant des ordres sans arrêt. Il se sent utile en s’occupant d’elle, c’est sa raison de vivre.
Robert Neuburger : Pourquoi pensez-vous que votre mère est tombée en dépression ?
Marianne : Avec mon frère, nous pensons qu’elle ne se sent plus utile maintenant que nous avons nos vies professionnelles et vivons loin d’elle.
Robert Neuburger : Le raisonnement de votre mère selon lequel elle ne peut pas aimer parce qu’elle n’a pas été aimée est-il justifié ?
Marianne : Non, je crois en notre libre arbitre. Ma mère était très négative et m’a souvent freinée dans mes projets. J’ai décidé de faire le contraire. Je travaille avec des adolescents pour leur montrer qu’ils peuvent être maîtres de leur vie. Ma mère a été malheureuse avec ses parents et a coupé les ponts avec sa famille.
Robert Neuburger : Comment vous sentez-vous dans votre vie actuelle ?
Marianne : Je me sens bien. J’ai des amis, j’adore mon métier, mais je me demande si j’arriverai à nouveau à faire confiance à un homme…
Robert Neuburger : Vous savez, la confiance peut être le produit du fonctionnement du couple, mais vous ne pouvez pas la poser en principe quand vous rencontrez quelqu’un. Je pense que c’est ce qui s’est passé avec votre compagnon. Vous vous êtes laissée aller à avoir confiance a priori. Dans ce cas, cela crée un aveuglement. On ne veut pas voir ce qui ne va pas, parce que si on le voit, on ne peut plus avoir cette confiance dont on a besoin. Alors, que vous soyez méfiante, pourquoi pas ? J’emploierais plutôt le mot “vigilante”. Maintenir d’entrée de jeu une vigilance, pour voir si l’on peut progressivement se laisser aller et si le climat de confiance se concrétise.
Marianne : Mais reproduit-on forcément la conduite de ses parents, qu’on le veuille ou non ?
Robert Neuburger : Pour certains, oui. Mais vous, vous êtes dans une position tout à fait différente. Vous êtes une réparatrice. Tout votre cursus, c’est une façon de réparer le passé. Ce qui fait que je ne suis pas inquiet. Cela dit, je trouve votre maman très culpabilisante avec sa maladie… Le problème que vous avez soulevé, c’est : ai-je le droit d’être heureuse ? N’est-ce pas égoïste d’être heureux ? Le couple n’est-il pas une institution égoïste, fermée sur elle-même ?
Marianne : Ce sont les mots exacts ! Mes parents ont vécu cette relation étouffante qui les a enfermés l’un sur l’autre. Ils sont tous deux très égoïstes.
Robert Neuburger : Aller vers des relations dont vous savez qu’elles ne vont pas marcher, comme vous le disiez au début, c’est vous maltraiter un peu, comme si vous vous interdisiez d’être heureuse. C’est ainsi que je redéfinirais votre problème. Et je pense que si vous faites un travail thérapeutique
Marianne : ce qui serait une bonne idée
Robert Neuburger : ce devrait être autour de cette difficulté. C’est sur ce point qu’il vous faut être aidée.
Un mois plus tard
Marianne : « Le thérapeute a su m’écouter, percevoir mes blessures et mettre des mots sur mes maux. Ce fut un réel soulagement, car il m’a encouragée à davantage de bienveillance envers moi-même. Je suis en effet plutôt du genre exigeante, envers moi surtout. Je ne me sens jamais vraiment à la hauteur, puis je me lance. J’ai donc “le droit d’être heureuse”, merci pour ces mots ! Ils sonnent comme une douce musique, dans ma tête, dans mon âme. Sincèrement merci pour cette séance intime, bouleversante, remuante, apaisante. À mon tour de questionner le thérapeute : comment avez-vous fait pour me cerner si bien en si peu de temps ? »
Robert Neuburger : « L’histoire de Marianne illustre la difficulté à se sortir d’une relation de couple malsaine, voire dangereuse. Le risque, tout en sachant que c’est irrationnel, est de s’en vouloir de n’avoir pas réalisé plus tôt la gravité de la situation. Cela a été aggravé par le fait d’avoir été élevée par une mère particulièrement culpabilisante. Il peut en résulter un sentiment d’insécurité, de manque de confiance en soi, qui obère les relations ultérieures. De ce fait, l’objectif de Marianne sera de se reconstruire et de s’autoriser à entendre ses propres désirs. La question de son bonheur est liée à cette possibilité. »
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