La force de Marité contre les épreuves de la vie
Dans la famille de Marité, 71 ans, la guerre est présente à chaque génération, les souffrances aussi. Alors, dès son plus jeune âge, elle a fait d’elle-même une guerrière. Jusqu’à ce cancer du sein qui l’a privée de la moitié de sa poitrine : une vraie amazone, disait-elle alors d’elle-même. Mais cette carapace a fini par se fendiller…
« Il y a treize ans, j’ai eu un cancer. On m’a coupé un sein et je suis devenue une amazone, une guerrière livrant un terrible combat intérieur entre ma part féminine et ma part masculine. Je me suis engagée dans une thérapie, pour essayer de déblayer mon histoire, de la comprendre et, peut-être, arrêter de souffrir et m’approcher enfin de l’amour. Il m’a fallu, d’abord, affronter encore et encore mon histoire familiale, pour essayer d’y trouver un ordre. Et un sens. L’abandon affectif de ma mère quand j’avais 2 ans et qu’elle a eu si peur de perdre mon petit frère, qui venait de naître prématurément. Mais aussi – et peut-être surtout – un siècle de guerres et de guerriers : la Première Guerre de mes grands-parents, la Seconde Guerre de mes parents, et puis l’Indochine de mon père, suivie de l’Algérie, dont il est revenu blessé à la tête, avant de se suicider six mois plus tard au fond du jardin.
J’avais 12 ans. J’ai découvert comment tous ces combats, au milieu de multiples tentatives de suicide familiales, ont fait de moi un bon petit soldat assoiffé de reconnaissance et d’amour, qui a accepté de devenir une esclave au service des désirs et attentes des autres. Et comment, dans la fusion, j’ai porté les chaînes invisibles de la dépendance et le boulet de la culpabilité d’être née femme. Pour obéir à la loi familiale qui envoie les hommes au combat et intime aux femmes de se taire, d’obéir, de subir, je me suis soumise à la manipulation, au chantage et au harcèlement sentimental de mes geôliers. Et je me suis perdue.
Séance après séance, psychologie et spiritualité m’ont permis d’accéder à la joie en réalisant la chance d’être en vie ; j’ai pu déposer les armes et signer un traité de paix entre mon masculin et mon féminin. Et puis, il y a six mois, la dernière tentative de suicide au sein de la famille a tout réveillé. Au cours de la séance qui a suivi, quelque chose a cédé en moi. J’ai cessé d’“être” les autres et leur vie pour prendre ma place à moi, “à côté” d’eux, en laissant à chacun d’eux la responsabilité des conséquences de leurs choix et de leurs actes.
J’ai pu enfin fermer la porte des trois saisons de mon existence de survivante, en réalisant qu’elle n’avait pas de clé ! Le film du passé s’est déroulé devant mes yeux : j’ai vu l’enfant blessée et l’adulte prisonnière de ses croyances destructrices ; la manière inconsciente dont j’ai érigé les murs de ma prison. Me voici libérée du costume et du masque du personnage créé par le mental qui n’avait pas de béquilles affectives sur son chemin. J’ai ouvert la porte du présent après avoir lâché mon statut de coupable.
Je suis une femme qui a trouvé sa dignité par le respect, véritable titre de noblesse. Je m’offre le droit à la liberté et à l’égalité comme l’être masculin le fait ; je chemine à ses côtés dans l’amitié et la paix pour créer une ère nouvelle. Et j’espère savoir les transmettre à mes petits-enfants et aux générations à venir. »
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